Œuvre journalistique de François Mauriac 1937-1938

Vous qui avez le regard clair

Vendredi 18 février 1938
Temps présent

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BILLET

Vous qui avez le regard clair

par François MAURIAC.

Ce sont les premiers mots de l’invitation que les jeunes étudiants catholiques adressent à leurs camarades. Le dimanche 27 février, à 14 h. 30, salle Wagram[1][1] Grande salle de spectacle historique, située tout près de l’Arc de triomphe à Paris., Paul Claudel[2][2] Paul Claudel (1868-1955), écrivain et diplomate, l’une des figures de proue du renouveau catholique littéraire. Bien que Mauriac l’admirât en tant que poète et dramaturge, ils avaient des points de vue fort différents sur la guerre d’Espagne. Claudel fut élu à l’Académie française en 1946 et ce fut Mauriac qui prononça le discours de réception le 13 mars 1947 (publié cette même année aux éditions de La Table ronde sous le titre Réponse à Paul Claudel). parlera de la pensée et de l’action chrétienne, Jean Bernard[3][3] Jean Bernard (1908-1994), était le fils du sculpteur Joseph Bernard (1866-1931). Peintre, graveur et sculpteur, ami de Paul Claudel, il contribua à la rénovation du Compagnonnage du Tour de France. du jeune foyer chrétien et Louis Charvet[4][4] Louis Charvet (1901-1987), ancien élève de l’École Polytechnique et de l’École des Mines de Paris. Directeur général adjoint de la Compagnie Air France depuis 1934. Il fut membre du Conseil Économique et Social. Ami de Julien Gracq, il fut poète et auteur de recueil de pensées publiés sous le pseudonyme d’Évrard des Millières. du métier. Un Jéciste[5][5] Membre de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC). dira au nom de tous ce qu’il attend de la vie. Et il y aura des intermèdes : les Petits Chanteurs à la Croix de Bois[6][6] Manécanterie créée en 1907 et dirigée depuis 1924 par l’Abbé Maillet. Elle jouissait d’une réputation internationale., les petits danseurs Elaï-Alaï[7][7] Groupe de danseurs basques.. Et, naturellement, l’archevêque de Paris[8][8] Jean Verdier (1864-1940), archevêque de Paris et cardinal depuis 1929. Il fut très attentif au développement de l’Action catholique spécialisée, comme on en voit ici une illustration. sera là au milieu de ses enfants.

La J.E.C. et la J.O.C. se complètent, se renforcent. L’une ne saurait avoir le pas sur l’autre dans la cité. Les progrès de la J.E.C. sont peut-être plus difficiles et cela se conçoit[9][9] Née en 1929, dans la mouvance du catholicisme social, la JEC est d’abord constituée par des étudiants issus de l’ACJF (Association Catholique de la Jeunesse Française) qui s’inspire de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) de l’abbé Joseph Cardijn, pour mettre en œuvre un apostolat mené « par les étudiants pour les étudiants » . Le mouvement s’organise en branches spécialisées. Il connaît une première crise en 1933 et dès 1935, la JEC s’oppose au nazisme. Elle connaît un essor rapide : en 1936, sa première rencontre nationale accueille 4000 participants. : tout concourt à grouper les jeunes ouvriers chrétiens, ils ont les mêmes intérêts à défendre, ils souffrent des mêmes abus ; ils ne sont pas séparés comme les étudiants par des différences de classes, de traditions, de doctrines politiques.

Et pourtant le rassemblement de cette jeunesse s’accomplit. Au milieu de tant d’appels contradictoires et de tentations de la violence, ceux qui seront réunis le 27 février ont choisi.

« Vous qui avez le regard clair… » Oui, mais vous aussi qui avez le regard plein d’inquiétude et de songe : car c’est la merveille de cette doctrine dont vous vous réclamez qu’elle ne s’adresse pas à une certaine espèce d’esprits, de caractères, de tempéraments. Il y a beaucoup de maisons dans la demeure du père[10][10] Citation approximative des paroles du Christ : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures » (Jn, 14, 2).. Il y a celle de chacun de vous en particulier. Et cette réponse que vous attendez, qui vous concerne seul, c’est à la J.E.C. qu’elle vous sera donnée.



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