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LES dures maximes de Machia
velmachiavélisme
dans son sens le plus péjoratif : c’est-à-dire, un cynisme dépourvu d’idéal et de moralité, employé surtout comme fondement de la raison d’état et comme base doctrinaire du totalitarisme. C’est surtout dans mythologie
politique de Mauriac, influente surtout dans la rédaction de son pamphlet anti-fasciste et anti-nazi Nous avons fait notre choix ; nous parions contre Machiavel
(Tricheurs
(qui semble renfermer la première référence mauriacienne au penseur italien) est l’association entre Machiavel et les grands dictateurs, à commencer par Mussolini. Le lien n’est pas imaginaire, car le futur Duce avait choisi Machiavel comme le sujet d’une thèse qu’il proposait présenter à l’Université de Bologne ; il a également contribué une préface à une édition du Prince. C’est un extrait de cette préface, lu par Mauriac dans l’Tricheurs
préfigure tout ce développement.
le bréviaire des hommes po
litiques
de tous les partis, en tout
temps et sous tous les régimes. Mais,
avouées sous une dictature, elles
demeurent secrètes dans les Répu
bliques
qui ne doivent jamais ou
blier
qu’elles sont fondées sur la
vertuvertu
caractérise la rhétorique, au moins, de leurs fondateurs. Mais si Mauriac avait bien lu Machiavel, il aurait vu que la vertu est aussi un des grands thèmes du fortune
pour garantir le maintien du pouvoir politique.
Ce qui, aujourd’hui, rend les
chrétiens si odieux à Machiavel,
c’est qu’ils ne mêlent pas la morale
et la politique pour la galerie, com
me
font la plupart des politiciens,
mais par une conviction naïve et
sincère.
Dans une démocratie, Machiavel
pardonne aisément aux dirigeants
l’usage qu’ils font en public des
mots : droit, conscience, justice,
pourvu qu’ils continuent leurs ma
nœuvres
occultes, en ne tenant
compte que de la raison et de l’uti
lité.
Les chrétiens, eux, croient que la
politique doit être vertueuse, et
leur force vient de ce qu’il est dif
ficile
sur ce point de les combat
tre
à visage découvert. Car un peu
ple, vicieux dans ses individus, est
vertueux pris en masse, et ne plai
sante
pas avec les principes.
Les cyniques ne réussissent que
sous un régime d’autorité. L’étala
ge
des beaux sentiments est essen
tiel
au parlementarisme ; mais cha
cun
sait ce qu’en vaut l’aune. Pres
que
seuls, les esprits religieux de
droite et de gauche n’étalent rien au
dehors s’ils ne le portent aussi dans
le cœur.
Il serait curieux de demander à
des individus de la famille de Mus
solini
et d’Hitler leur opinion sur
ce conseil de Guichardin : N’en
trez
jamais en lutte avec la reli
gion
ni avec les choses qui parais
sent
dépendre de Dieu ; elles ont
trop de force dans l’esprit des sots
Ils s’accorderaient sans doute sur la
vérité d’une telle maxime et nous
expliqueraient pourquoi ils ont été
contraints de n’en pas tenir comp
te :
c’est que l’arme spirituelle leur
paraît également redoutable entre
les mains de ceux qui l’utilisent
pour des fins politiques, et chez les
croyants sincères qui la brandissent
en regardant le ciel et dans le mé
pris
de ce monde.
L’idéologie révolutionnaire pose
aux hommes d’extrême gauche le
même problème que la religion aux
hommes d’extrême droite. Staline
est obligé de traiter ses trotskystes
comme Hitler et Mussolini leurs
chrétiens. Il est vrai que ce dernier
semble couvrir d’une aile indul
gente
ceux que son allié de Berlin
persécutepersécution
nazie du christianisme que Mauriac se réfère ici. Il pense sans doute à la résistance, entre 1934 et 1936, incarnée par Martin Niemoeller, Dietrich Bonhoeffer et Karl Barth, aux tentatives hitlériennes de nazifier l’église luthérienne, et aux protestations courageuses de ces trois hommes contre l’idéologie du Reich.
un jour qu’il existe pour l’Église
un péril plus grave que d’être per
sécutée
par les dictateurs, c’est
d’être protégée par euxCroisade
en Espagne. Comme Mauriac a dit à son fils aîné : Franco a fait que des millions d’Espagnols voient dans le Christ l’Ennemi No. 1
(Claude Mauriac,
En vérité, spirituels et politiques
ne forment pas des camps si tran
chés :
les deux familles d’esprits se
rejoignent souvent dans un même
hommeUn même homme
: cf. le Maître de Moscou et de Berlin
in Le Démon de l’Espagne
,
bien ce débat entre l’intelligence et
le cœur. Dans un monde où tous les
dés sont pipés, tous les mots dé
tournés
de leur sens, où Dieu et le
Diable servent à toutes fins, c’est
une grande tentation que de se mé
fier
des sentiments et de ne plus
considérer que les faits et les ré
sultats.
De toutes parts le men
songe nous cerne. Quiconque fait
allusion aux crimes de son propre
parti, passe pour un imbécile ou
pour un traître. Quand l’Humanité
publie un article intitulé : Paix du
Christ
ne fuse à gauche. Quand Staline
(qui sans doute ignore le principe
de Machiavel : Les cruautés doi
, continue de mettre en
vent
être commises toutes à la fois
pour que leur amertume se faisant
moins sentir, elles irritent
moins
coupe réglée la postérité de Lénine,
la Maison de la Culture, où chacun
ronge son os, garde un silence pro
fond
triomphent à BilbaoPour le peuple basque
,
la France applaudit à grands crisLorsque l’enfant paraît…
, Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille / Applaudit à grands cris.
Sur ce théâtre truqué où nous
nous débattons, au milieu d’un peu
ple
immense de tricheurs, n’y a-t-il
pas quelque péril à errer vêtu seule
ment
de probité candide et de lin
blancBooz endormi
, Vêtu de probité candide et de lin blanc
.
chal
de Noailles
ceur
des grands criminels il n’a
vait
même pas la vertu qu’il faut
pour exécuter de grands crimesUn homme en apparence si ouvert, si aimable, si fait exprès pour jeter de la poudre aux yeux des plus réservés, pour montrer si naturellement tout ce qui peut engager de tous les côtés possibles, et pour en donner jusqu’en capacité de toutes les sortes les plus avantageuses impressions, qui en même temps ne pense que pour soi, ne fait aucun pas, quelque futile ou indifférent qu’il paroisse, qui n'ait rapport à son objet, qui pense toujours sombrement, profondément, à qui nul moyen ne coûte, qui avale la trahison et l’iniquité comme l’eau, qui sait imaginer, ourdir de loin, et suivre les plus infernales trames, est un de ces hommes que la miséricorde de Dieu a rendus si rares, qui, avec la noirceur des plus grands criminels, n’a pas même ce que, faute d’expression, on appelle la vertu qu’il faut pour exécuter de grands crimes, mais rassemble en soi pour les autres les plus grands dangers, et ne leur plaît que pour les perdre, comme les sirènes des poëtes.
.
peut dire, en revanche, que certains
chrétiens avec tout le prestige de la
vie la plus pure, n’ont même pas en
eux l’once qu’il faudrait de méchan
ceté
pour déjouer les intrigues des
méchants.
Tel est le va-et-vient de nos ré
flexions,
dans un temps où nous
sommes à chaque instant pressé de
prendre parti, où la moindre pa
role,
le moindre geste sont aussitôt
exploités, maquillés, et où enfin
un homme sincère ne pourra bien
tôt
plus qu’aspirer à la retraite, et
rêver du Silence comme d’une pa
trie
perdue.