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LES morts des guerres civiles ne
connaissent pas le repos. Ils
sont mobilisés outre-tombe.
Au-dessus des encriers et des bu
vards
souillés des salles de rédac
tion,
dans un nuage de tabac, les
assassinés de Barcelone
ze
mille prêtres massacrés, les reli
gieuses
violées affrontent les victi
mes
de Guernica
Ainsi se perpétue la confuse mêlée
des catholiques brûlés par les pro
testants
et des protestants brûlés
par les catholiques
de la Terreur
Thiers
fournissent mutuellement de mar
tyrs
dont le recrutement ne finira
qu’avec la férocité humaine, c’est-
à-dire jamais
De la dame qui me dit : Il n’y
et du politicien qui devant
a eu que dix-neuf morts à Almé
ria
ces cadavres crie d’indignation et
déchire ses vêtements, je ne jurerais
pas que celui-ci ait le cœur mieux
placé que celle-là. Simplement, ces
dix-neuf pauvres corps peuvent
être utilisés par le politicien, tan
dis
que la dame ne sait qu’en faire,
et même elle en éprouve un peu
d’embarras ; mais il y a de grandes
chances pour que l’un et l’autre
soient également dépourvus de cette
imagination du cœur qui inspirait
à Anatole France la dernière phrase
de Jean Servien
de citer de mémoire) : Du sang
et de la boue souillaient ses beaux
cheveux qu’une mère avait baisés
avec tant d’amources cheveux
et non ses cheveux
.
J’ai cru longtemps que le mot de
NapoléonQue me
ou ce qui lui échappa de
fait à moi la vie d’un million d’hom
mesmot de Napoléon
est plus exactement : J’ai grandi sur les champs de bataille et un homme comme moi se soucie peu de la vie de million d’hommes.
Il fut prononcé en juin 1813, lors de l’entrevue de Dresde avec Metternich, et rapporté par Metternich dans ses Mais la phrase fut-elle dite ?
avait observé Louis Madelin dans
vant
un champ de bataille gorgé de
cadavres : Une nuit de Paris me
, permettait de
réparera tout celaoppressée par tant de victimes
. Voir Louis Madelin,
définir une certaine espèce de
grands carnassiers et celle des petits
rapaces qui les imite. Mais je sais
aujourd’hui que le paisible bour
geois
qui, le matin, lit son journal
en beurrant des tartines et qui ne
s’étonne pas que, depuis son café
au lait de la veille, tant de sang ait
pu être encore répandu, je sais qu’il
nourrit en lui le même sentiment
qui dictait à Napoléon ces paroles
atroces.
Pourquoi s’en indigner ? On ne
s’indigne pas contre la nature. Le
défaut d’imagination n’est pas un
crime. Il n’y a que notre propre
mort et celle des êtres que nous ai
mons
qui ne peut se regarder en
faceLe soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement.
.
appel au seul cœur des hommes ;
il faut éveiller en eux cette pitié
raisonnable, volontaire, cette pitié
par devoir
qui jette de moins
peut-être que ceux de la pitié sen
sible.
Et puisque nous nous savons
incapables de considérer les morts
de la guerre civile sans les enrôler
sous notre bannière, laissons-les
dormir en paix. Donnons notre at
tention
aux créatures encore vivan
tes
dans l’un et dans l’autre camp, in
terrogent
avec angoisse le point du
ciel d’où les avions surgissent.
Que pouvons-nous pour les habi
tants
des villes menacées
la question à des gens qui haussent
les épaules : Que voulez-vous !
ou encore :
C’est la guerre ! On ne réglemente
pas le fléau…La
Il est vrai,
vie d’un marin du
celle d’une petite fille d’Alméria
C’est une convention absurde qui
nous fait attacher plus de prix aux
civils, aux femmes et aux vieil
lards,
qu’aux garçons de vingt ans
qui sur terre, sur mer et dans le
ciel servent les desseins de Moscou,
de Berlin et de Rome
mais nous savons qu’en fait nous ne
pouvons rien pour ces soldats,
alors qu’un soulèvement des cons
ciences
en faveur des populations
civiles serait, sans nul doute, ef
ficace.
Nous l’avons bien vu après
la destruction de Guernica
nement
de chacun des partis à crier
son innocence et à charger l’adver
saire
témoigne assez que dans les
deux camps les chefs redoutent les
courants d’opinion, tels que cette
lame de fond irrésistible dont les
Empires centraux
vèrent
la puissance.
Il semble que du côté rouge on
n’ait pas tiré tout le profit possible
des zones neutres que le général
Franco offrait de constituer sur le
front basque
ration
sur ce point nous paraît ve
nir
de Valence
En tout cas, cette médiation à la
quelle
veulent travailler de toutes
leurs forces des catholiques fran
çais
qui viennent de constituer, à
cet effet, un comité d’action
tra
que des initiatives dont à Genè
ve
le Comité international de la
Croix-Rouge nous donne l’admira
ble
exemple. Ses délégués se prodi
guent
à Madrid, à Valence, à Bar
celone,
à Bilbao, à Santander, à Sa
lamanque,
à Burgos et à Saint-Sébas
tien.
Nouvelles aux familles, secours
aux prisonniers, échange d’otages,
envois de matériel, on saura un jour
tout ce qui a été fait par des hom
mes
dont le nom ne sera jamais
connu. C’est à leur école qu’il faut
nous mettre, nous tous qui aimons
l’Espagne.