L’Offensive de Noël

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François Mauriac L’Offensive de Noël Temps présent 1 1938-12-30 Paris Temps présent

Vendredi 30 décembre 1938 Temps présent BILLET L’Offensive de Noël par François MAURIAC.

Cette trêve de Noël en faveur de laquelle on nous avait prié d’écrire des articles se sera donc muée en offensive. Il faut plus de temps à l’humble journaliste pour achever sa page qu’au grand chef pour donner le signal de la danse.

Nous ne nous étions guère pressé, d’ailleurs, ayant beaucoup appris depuis deux ans : on devient raisonnable avec l’âge ; on n’ignore plus que la naissance de l’Enfant qui sera crucifié ne saurait interrompre les vastes desseins du chef de la Sainte Croisade. Durant la nuit bienheureuse, ses canons auront fait plus de bruit que les anges, plus de besogne aussi.

Il a ses théologiens. Il a appris de science sûre que saint Thomas approuve cette offensive menée en vue du bien commun. Les théologiens du Tercio, qui sont profonds, savent que la trêve de Noël eût constitué un grave manquement à la charité chrétienne.

Cependant, des deux armées, des deux tronçons du même peuple, monte un appel déchirant vers la paix. Et les enfants de Barcelone meurent de faim : au milieu d’une miracn1euse indifférence, il faut oser le dire et l’écrire. Un religieux de mes amis a essayé de réunir les signatures des femmes de personnages notables… il a échoué. Un autre appel est étouffé par beaucoup de journaux… Des enfants rouges, bien sûr ! mais ils ne doivent plus être si rouges que ça, les pauvres petits.

Soyons juste : ce n’est pas la faute du général Franco s’il a affaire à des vaincus qui résistent ! On ne peut rien attendre d’un ennemi de mauvaise foi qui, contre toute évidence, s’obstine à ne pas se tenir pour battu. Et ce n’est pas non plus la faute du noble Croisé si, lorsqu’il traitait avec l’étranger, il ignorait que cet étranger-là n’avait aucune espèce de goût pour la transaction : il ne pouvait deviner que les Italiens avaient résolu de se battre jusqu’au dernier Espagnol.