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Lettre ouverte, le 15 août 1938, à propos d’une conversation avec son père :
Il me parle des menaces dont les journaux nationalistes espagnols sont remplis à son endroit. Il a fait en mon absence un retentissant article dans(Paris-Soir sur la haine de la France que montrent les défenseurs français de Franco :Rien ne me paraît plus haïssable que l’éventualité du succès de ces gens-là et de leurs émules en France.
NOUS ne saurions don
ner
trop de louanges
à M. Georges Ravon,
envoyé spécial du Figaro
en Espagne nationalisterépublicaine
réduite au sud-est. Oviedo, ville des Asturies, était désormais loin du front, mais avait bien mérité l’appellation ville martyre
(avec des souffrances des deux côtés) que Mauriac lui donne. Qui ont pu être ces touristes français
cités par le correspondant du grand mal
de la France.
n’avoir pas craint de dénoncer
dans son reportage du 26 juil
letRoute de guerre N° 1 : Comment travaille, se nourrît et s’organise l’Espagne de Franco
,
entendu à Oviedo. Dans un
café de la ville martyre, des
touristes français causent avec
des Espagnols : Les Espa
gnols
disent grand bien de la
nouvelle Espagne, écrit M.
Georges Ravon, les Français
disent grand mal de la
France ; de la sorte, tout le
monde est à peu près d’ac
cord.
Il faut savourer cette
phrase, il faut en exprimer les
sucs. On n’en pénètre pas d’un
coup la malice. A peu près
me plaît surtout. Les détrac
teurs
français de la France ne
sont qu’à peu près d’accord
avec leurs hôtes… Je le crois
bien ! Ces patriotes hésite
raient
à traiter leur patrie de
bicoque infecte et puante
(una casucha infecta y mal
oliente) comme le fait le jour
nal
Hierro
de Bilbao. Ose
raient-ils
ouvertement prendre
à leur compte les insultes
d’Arriba Espana : L’odieuse
France, pays d’anormaux…
et approuver cette feuille lors
qu’elle
dénonce : les grotes
?
ques
fanfaronnades du Chan
tecler
déplumédeux vieux coqs déplumés
utilisée par Mauriac dans Causer
(
tie
pourrie
EN tout cas, c’est en di
sant
grand mal de la
France que quelques
touristes français (un petit
nombre, nous voulons l’espé
rer)
se sont mis à peu près
d’accord avec leurs hôtes. M.
droite, dut peut-être hésiter
avant d’assener ce témoignage
terrible. Par pudeur d’abord ;
il est de ces plaies qu’on ne
découvre pas sans honte. Nous
sommes tous solidaires. A
Oviedo, c’était le pays entier
qui se reniait en la personne
de ses fils impies.
Peut-être aussi M. Georges
Ravon a-t-il songé à tout ce
qu’attire sur sa tête un jour
naliste
capable de porter un
témoignage contre l’opinion du
milieu et du public pour le
quel
il travaille ? Du moins a-
t-il
bien choisi son heure. Le
tranquille courage dont il fait
preuve lui vaudra aujourd’hui
moins d’insultes que s’il l’avait
manifesté quelques semaines
plus tôt : à Reims, autour de
la cathédrale ressuscitéeLes Pierres ont crié
,
ris,
autour d’un roi et d’une
reine en qui respire le plus
puissant empire du mondedu roi et de la reine
. Les journaux français révélèrent l’appréciation du vin français manifestée par le couple royal, et le fait que leur premier repas sur le sol français (dans le wagon-restaurant entre Boulogne et Paris) fut arrosé de Pommery Brut 1928. Paul Claudel fut appelé à composer à l’honneur du roi et de son épouse un poème intitulé Personnalité de la France
.
France a repris conscience de
son unité. Je ne puis me sou
venir
d’une occasion, a déclaré
M. Chamberlain aux Commu
nes,
où l’on ait vu une telle
unanimité de toutes les clas
ses
et de tous les partis de la
nation française.
QUI songerait aujour
d’hui,
en Europe, à
attaquer la France
unanime ? Mais il ne
faut pas que nos adversaires
puissent croire que nous nous
sommes repris pour un jour,
pour une heure. Les touristes
français en Espagne nationa
liste,
quelles que soient leurs
préférences politiques, ne de
vront
jamais oublier qu’ils
sont les hôtes d’un pays pro
visoirement
soumis aux direc
tions
de Berlin et de Rome.
Une fois la frontière fran
chie,
personne n’a plus le droit
de subtiliser et, par exemple,
et du pays réel
que des étrangers, et dont
beaucoup nous haïssent, soient
capables de saisir ces nuan
ces ?
On ne choisit pas dans
l’être qu’on aime, surtout
quand il est pressé d’ennemis.
Sous peine de mort, les Fran
çais
devront interrompre cet
interminable procès qu’ils se
font à eux-mêmes et qui est
devenu une sorte de manie
atroce, d’instinct presque in
conscient
et jusque dans les
plus petites choses. Ceux qui
ont préparé, pour les souve
rains
anglais, cette réception
triomphale, durent travailler
dans le vacarme des critiques,
des moqueries et même des ou
trages,
au point que tels de
leurs adversaires ressentent
aujourd’hui comme une défaite
personnelle le prestige qui en
a rejailli sur la France.
ET bien sûr : le Front
Mais nous
populaire n’est pas la
France !
ne saurions trop méditer cette
parole admirable du Premier
Consul que cite mon confrère
Louis Madelin dans le troi
sième
volume, paru ces jours-
ci,
de sa passionnante Histoire
du Consulat et de l’Empire :
Depuis Clovis jusqu’au Co
Pa
mité
de Salut Public, je me
tiens solidaire de toutA propos d’un film
, sur Au roi Louis, 21 décembre 1809
(
role
que, pour son humble
part, chaque Français, aujour
d’hui,
devrait faire sienne.
Elle ne signifie pas que nous
sommes condamnés à approu
ver
tous les excès ni à couvrir
tous les crimes, mais qu’en ce
moment de l’Histoire qui coïn
cide
avec notre vie éphémère,
le devoir est d’accepter la pa
trie
tout entière : qu’il
s’agisse de la patrie ou d’une
créature humaine, l’amour
s’attache à l’être indivisible.