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On ne peut pas parler à tout le
monde… Je voyais parfois cette fem
me
à la figure usée, assise devant
la porte de son gendre et de sa fille
qui travaillent et habitent chez
moiMardi 3 mai. A 9h moins le quart François m’attend gare de Langon. J’apprends que Jeanne belle-mère de Jean Ducasse est morte. Mercredi 4 mai. Le matin enterrement de Jeanne à Verdelais.
de passage et je ne lui donnais au
cune
attention. Mardi dernier, elle
épamprait
elle s’est couchée le soir ; et la voici,
aujourd’hui, endormie dans le Sei
gneur.
Mon frère l’abbé
un peu avant l’agonie. Nous ne con
naissions
pas les sentiments de cette
femme. Elle lui a dit : J’ai tou
Elle a dit encore :
jours
aimé Dieu et la Sainte Vier
ge…Je
. Après l’avoir
m’abandonne à Lui…
confessée, mon frère m’a confié :
C’est une sainte…
Il est allé
chercher les saintes huiles. Ses en
fants, qui sans doute vont peu à
l’église, se sont mis à genoux et ont
répondu aux prières comme si elles
plein de foi. Elle est restée veuve
très jeune, avec cinq enfants et
aussi pauvre qu’on peut l’être,
nous raconte sa fille. Elle nous a
élevée tous, à force de travail et
de privations, sans que nous
ayons jamais souffert de la mi
sère…
Je la regarde, ce soir, sur cette
paillasse, dans sa robe de paysanne,
n’ayant à ses pieds que des espa
drilles.
Je prête à cette dépouille
de la sainte PauvretéQue toujours ils aiment et honorent notre Dame la sainte Pauvreté
(Saint François,
que je n’ai pas daigné lui accorder
quand elle était vivante. Je pense
à ma vie, à Paris, à l’orgueil du
monde. Je pense à ces millions
d’êtres humains qui partout aujour
d’hui
adorent la Force et lui sacri
fient
leur âme ; et j’ai, devant ce vi
sage
où la mort fait resplendir une
enfance mystérieuse, la révélation
de cette puissance qui est la seule
véritable et qui a été donnée aux
petits