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POUR nous qui ne croyons pas au hasard, nous nous
réjouissons de cette grâce que le Père accorde à
son vieux poète de l’accueillir dans le tumulte de
joie, dans cette jubilation infinie de la Fête des saints.
Ses yeux se sont fermés sur l’office du jour, sur cet
Évangile des
particulier : mais celle surtout qui promet aux doux la
possession du mondeHeureux
(les italiques dans la
violence apparente — de cette douceur intérieure, pro
pre
à ceux qui aiment d’amour les pauvres, et dont la
Pauvreté incarnée est le Dieu. Et en récompense, tous les
souffles et toutes les nuées du Béarn et de la Biscaye
rent
dans ses poèmes et toutes les odeurs des jardins
paysans, quand la pluie est traversée de soleil.
Quelques-uns se scandalisaient du sentiment qu’il avait
de sa grandeur. C’est que tous les poètes sont inconnus —
même les plus fameux. Hugo
ce ne sont pas ses poèmes qui ont fait sa gloire. Mais à
chets
qui l’aident à ou
blier
qu’il n’a pas d’autre
témoin de son génie que
lui-même. Francis Jam
mes,
à Orthez et à Haspar
ren
chaque instant, la sensa
tion
presque physique
d’être oublié, méconnu,
inconnu. D’où ces irrita
tions,
ces paroles amères,
ces sursauts d’orgueil.
Mais chaque matin,
parmi le troupeau humble
et pressé des femmes, il
courbait de nouveau la
tête et recevait le joug de
son Dieu.
Et maintenant qu’il
voit de ses yeux ce qu’il
a cru, et qu’il retrouve
dans cette lumière de
l’Éternité toute sa poésie
transfigurée, il lui im
porte
peu de savoir qu’il va prendre sa place dans la
poésie française d’aujourd’hui — une place qu’il ne par
tage
avec personne, au premier rang, certes, à côté de
Claudel
homme qui ne s’est pas mêlé au monde, qui n’a pactisé
avec aucune puissance, qui a refusé tous les harnache
ments,
tous les bicornes — toutes les croix, hors celle qu’il
a embrassée avec tant d’amour et sur laquelle il est mort.
J’ai cru longtemps que le plus pur de son œuvre
était contenu dans les premiers recueils :
l’aube à l’Angélus du soir
rières
dans le ciel
jeune disciple Jean Labbé
mesurésderniers vers
de Jammes.
beau.
Cher Jammes, je vous ai admiré et aimé entre tous
mes maîtres. Je suis fier d’appartenir à une génération
qui n’a jamais insulté ses aînés — car nous sommes tribu
taires
de tous ceux qui nous ont précédés ; — mais vous,
vous m’avez ouvert les yeux sur la beauté du monde.
Vous avez accompli, sous mes yeux, ce passage des saty
res
aux anges, et du grand Pan au Christ dont je me sens
incapable et indigne. Votre œuvre réconcilie la Nature
et la Grâce. Dans ce ciel où vous êtes ce soir, avec Mau
rice
et Eugénie de GuérinLe Drame de Maurice de Guérin
et Réflexions au Cayla
.
de prier pour ceux qui vous ont aimé sur la terre et qui,
jusqu’à leur dernier jour, se réciteront vos vers, à voix
basse, pour eux seuls.