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DE tout ce qu’on a dit et écrit,
ces jours-ci, de mon Blaise
CoutureCoûture
.
tage
étonné que l’opinion de
Pierre Brisson : selon lui, Couture
est un prêtre et il devrait porter
une soutane pour nous devenir in
telligibleDans son article du
Monsieur Coûture.
A mes yeux, ce qui explique Cou
ture,
c’est justement qu’il ne soit
pas prêtre. Il est ce qu’à tort ou à
raison j’ai désiré qu’il fût : un
homme qui a frôlé le sacerdoce,
ce qui reste d’un être d’où une
grâce immense s’est retirée et qui
ne possède plus que les tics, les
manies d’une fonction surhumaine.
Couture est prêtre comme un an
cien
fond de mer où ne subsistent
plus que des coquilles vides et du
sable, peut être nommé océan.
Sans doute en aurais-je fait un
défroqué au sens propre, si sa pré
sence
dans la maison n’en eût été
rendue impossible. Mais cela me
suffit qu’à un moment de sa vie, il
ait été appelé par son nom, élu en
tre
tous, selon la parole du Christ
dans saint Jean : Vous ne m’a
. Et puis, il n’a pas été
vez
pas choisi c’est Moi qui vous ai
choisi
digne, ou bien Dieu s’est ravisé. Le
potier, après lui avoir amoureuse
ment
donné ses soins, rejette tout à
coup ce vase qui n’est plus d’élec
tion.
Regardez donc autour de vous :
que de Couture dans le monde ! Que
de prêtres manqués ! Que de mons
tres
chez qui apparaissent les tra
ces
d’un premier choix, la noire
brûlure d’un amour qui s’est dé
tourné !
(presque personne n’a
compris que le même drame s’a
morce
dans ma petite Emmanuèle.
Quelques critiques ont parlé à son
propos d’Octave Feuillet et de Jean
de la BrèteOctave Feuillet (1821–1890), auteur de romans sentimentaux assez mièvres (
nuèle exprime, avec les mots de son
âge et comme une petite fille
qu’elle est encore, ce scrupule dé
chirant
qui a tourmenté tant de
pures adolescences : le bonheur
)
humain est-il permis ?
Si vous mettiez une soutane à
Couture, il deviendrait un autre
tout à coup ; tout rentrerait dans
l’ordre : son vice essentiel se mue
rait
en vertu sacerdotale. Tel que je
l’ai conçu, il ne possède plus que
le simulacre des pouvoirs dont il
n’a pas su se rendre digne. Ce ca
nal
vivant par où aurait afflué la
Grâce et dont la Grâce s’est détour
née,
ne sert plus qu’à capter les
fleuves de feu dont parle saint
Jean :
di,
libido dominandi.1 Jn, 2, 16 :
la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, l’orgueil de la richesse
. Dans Le salut de Renan
,
Le prêtre, le religieux, le chien
, l’homme dont la voca
de Dieudominicain
.
tion était de chasser pour le ciel,
chassera désormais pour son propre
compte : c’est le sens de la scène du
2° acte entre Couture et Emma
nuèle.
Ces ruses de l’apôtre, cette
forcer les portes les plus secrètes
d’une vie et qui lui avait été com
muniqué
pour le salut d’un grand
nombre, Blaise Couture l’utilisera
désormais pour sa morne et stérile
délectation. Par un instinct admi
rable,
LedouxL’interprétation de Fernand Ledoux (1897–1993) fut universellement admirée.
lève les mains devant Harry, com
me
si elles avaient été consacrées,
comme si elles avaient été créées
pour bénir et pour absoudre. Mais
ce geste ne marque plus que son
éphémère victoire sur le jeune ri
val
qu’il exècre.
Comment s’étonner qu’un hom
me
terriblement armé par Dieu lui-
même
pour un dessein qui ne s’est
pas accompli, et qui se trouve libre
maintenant d’user de ces armes au
bénéfice de sa passion, comment
être surpris de ce qu’il domine,
malgré l’horreur qu’il lui inspire,
une Marcelle de Barthas ? Il fau
drait
n’avoir jamais réfléchi sur
l’inguérissable solitude des femmes.
J’ai voulu que Marcelle fût veuve ;
je l’ai faite prisonnière du sombre
Couture dans une campagne per
due…
Mais il existe, à Paris même,
des centaines de Marcelle qui n’en
tendent
rien, le soir, que le frois
sement
des feuilles du
rière
lesquelles leur époux se déro
be.
Ce journal déplié limite un dé
sert
plus inexorable que les éten
dues
de pignadas où la victime
d’Asmodée meurt de soif.
Pourquoi chercher si loin ? Blai
se
n’aurait nul besoin de détenir la
puissance des ténèbres pour domi
ner
Marcelle : il lui suffirait de l’é
couter.
Je connais des hommes dont
l’antichambre ne désemplit pas
parce qu’ils écoutent les femmes et
que c’est pour eux la seule manière
de les posséder. Qui de nous n’y
pourrait passer sa vie ?
Voilà comment j’ai vu mon per
sonnage.
A quoi tel critique m’ob
jectera :
Il fallait donc nous le
Et je répondrai qu’il est
faire voir ainsi et vous y avez
échoué…
apparu tel à d’autres critiques et à
beaucoup de spectateurs. D’ailleurs,
il est vrai que je m’interroge encore
sur ce Couture et qu’il n’a pas fini
de m’intriguer moi-même. Je ne le
laisserai pas éternellement seul sur
cette scène. Je sens qu’il a besoin de
moi ; je crois l’entendre qui m’ap
pelle.
Peut-être irai-je le rejoindre
un jour dans les profondeurs fa
milières
d’un roman. On tire sou
vent
une pièce d’un roman… pour
quoi
ne dégagerais-je pas de ces
cinq actes une belle histoire qui les
éclairerait ?