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DANS un discours prononcé à Bilbao (1), le ministre
de l’Intérieur du gouvernement de Salamanquerouges
le 20 novembre 1936. Il avait pu quitter la prison de Madrid où il avait été enfermé par les rouges
en juillet 1936. Après avoir été admis à la Junte de Burgos le 3 août 1936, et en avoir reçu les pleins pouvoirs le 1er octobre, Franco eut l’habileté, pour écarter ses rivaux (en particulier les généraux Cabanellas et Mola) de transférer son quartier général à Salamanque. C’est là qu’il affirmera son pouvoir politique, en particulier en se rapprochant de don Juan, fils d’Alphonse XIII et héritier de la monarchie, pour se concilier l’Église et les carlistes navarrais. Le 15 août 1936, il adopte le drapeau sang et or, symbole de la monarchie.
attaque avec violence Jacques MaritainDe la guerre sainte
,
Il me fait aussi l’honneur de me nommer. Je voudrais, à
ce propos, essayer de dissiper quelques équivoques et
marquer ma position et celle de mes amis, dans le conflit
qui divise l’Espagne.
Mais il faut d’abord avertir le ministre espagnol
qu’ici, en France, Jacques Maritain, tendrement aimé de
ses amis, est aussi respecté de ses adversaires. Pour beau
coup
qui peuvent ne pas entrer dans ses vues sur le
Thomisme, ni approuver toutes ses initiatives et toutes
ses démarches, il est demeuré, il restera toujours ce
bien-aimé Jacques
, à qui Ernest Psichari
1914 : Ce que tu as fait pour moi, les prières par
lesquelles tu as fléchi le Bon Dieu, tes paroles persua
sives,
l’exemple plus persuasif encore de ta vie si noble,
si épurée par la Grâce, ta fraternelle affection qui me
soutenait constamment dans la voie royale de la vérité,
tout cela ne peut être pesé avec les pauvres mesures hu
maines,
il faudra bien que tu en trouves la récompense
ailleurs que sur cette terre
Jacques Maritain n’est pas un converti juif
, II y a ce Juif converti qui commet l’infamie de répandre dans le monde le faux bruit des massacres de Franco et de défendre l’immense stupidité de la légitimité du gouvernement de Barcelone
. C’est la femme de Maritain, Raïssa Oumansoff qui était née juive. Maritain est né dans une famille protestante dreyfusarde. Mariés en 1904, ils rencontrent en 1905 Léon Bloy, qui les amènera à se convertir au catholicisme.
comme l’assure le ministre de Salamanque. S’il l’était, il
ne me paraîtrait pas moins digne d’être admiré et d’être
aimé, mais enfin il ne l’est pas. Nous croyons, pourtant,
que celle à qui Dieu l’a uni, dut l’aider à devenir ce chré
tien
exemplaire qui, comme son Maître, ne fait pas accep
tion
des personnesEt si vous appelez Père celui qui, sans acception de personnes, juge chacun selon ses œuvres, conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre exil.
âme rachetée, et sur les visages de toute race, discerne
la ressemblance du même PèreDieu créa l’homme à son image
,
d’hui,
qu’on pourrait croire désespérés, qui savent que
rien n’est perdu pour eux tant qu’il existera, dans une
maison de Meudon
femme dont le regard et la voix leur apportent plus
qu’une promesse : la présence visible de la Miséricorde.
* * *
Après ce témoignage rendu à nos amis, je voudrais
donner à M. le ministre de l’Intérieur de Salamanque les
raisons de notre attitude. Et d’abord, nous avons toujours
cru que la pensée du catholique, à l’égard des choses
temporelles, reste libre. Comme le disait Gabriel Marcel
dans une conférence de Servitude du chrétien
. L’intervention de Mauriac est reprise dans A la base de notre effort
.Un catholique ne
En ce
peut être obligé en tant que catholique de prendre parti
pour tel ou tel clan en guerre contre un autre.
qui me concerne, aux premières nouvelles du soulève
ment
militaire et des massacres de Barcelone, j’ai d’abord
réagi en homme de droite ; et de Vichy où je me trou
vais
alors, je dictai en hâte, par téléphone, cet article
sur l’
du L’Internationale de la haine
,
res,
l’intervention massive des escadrilles et des troupes
italiennes et allemandes, les méthodes atroces de la
guerre totale, appliquées par des chefs militaires à un
pauvre peuple qui est leur peuple, les souffrances des
Basques coupables du crime de non-rébellion
aux catholiques français un cas de conscience doulou
reux.
Ils n’ignoraient pas, en effet, que de l’autre côté de
la barricade le gouvernement légal était soutenu par les
forces conjuguées du marxisme et de l’anarchie.
Ce qui fixa notre attitude, ce fut la prétention des
généraux espagnols de mener une guerre sainte, une
croisade, d’être les soldats du Christ. Ici, je voudrais qu’on
nous comprît enfin. D’aimables confrères ont écrit plai
samment
que je regrettais qu’il n’y ait eu que quinze
mille prêtres massacrés et que je trouvais que ce n’était
pas assez. Parlons sérieusement : les sacrilèges et les cri
mes
commis par une foule armée et furieuse, au lende
main
d’une rébellion militaire réprimée, sont d’une hor
reur
insoutenable. Nous disons seulement que les meur
tres
commis par des Maures qui ont un Sacré-Cœur épin
glé
à leur burnous, que les épurations systématiques, les
cadavres de femmes et d’enfants laissés derrière eux par
des aviateurs allemands et italiens au service d’un chef
catholique et qui se dit Soldat du Christ, nous disons
que c’est là
droit d’être moins frappés que nous ne sommes ; mais
il ne dépend d’aucun de nous que les conséquences n’en
soient redoutables pour la cause qui devrait nous impor
ter
par-dessus toutes les autres, et qui est le règne de
Dieu sur la terre.
* * *
Que M. le ministre de l’Intérieur n’aille pas croire
que nous nous exprimons ici en partisan. Chrétiens, nous
n’avons pas à nous faire juges des raisons qui ont pu
décider certains de nos frères d’Espagne à prendre les
armes contre un gouvernement qu’ils trouvaient injuste.
Les conséquences terrifiantes de leur geste, il ne les avait
pas toutes prévues. Nous comprenons aussi que l’Épis
copat
et le Clergé aient peine à dominer un conflit dans
lequel ils se trouvent si tragiquement engagés. Mais il
reste ceci, il reste cet épouvantable malheur que pour des
millions d’Espagnols, christianisme et fascisme désormais
se confondent et qu’ils ne pourront plus haïr l’un sans
haïr l’autre.
Dans les circonstances difficiles où vous vous trou
vez,
écrivait le Saint-Père à l’Épiscopat mexicain, le
2 février 1926, il est plus que jamais nécessaire, vénéra
bles
frères, que vous et votre clergé tout entier, comme
aussi les associations catholiques, vous restiez complète
ment
à l’écart de tout parti politique, afin de ne fournir
à vos adversaires aucun prétexte pour confondre la Reli
gion
avec une faction politique quelconque
Et ici, je demande à ceux de nos lecteurs qui nous
ont jugés sévèrement, de comprendre les raisons qu’ont
les catholiques français, plus que d’autres peut-être, de
redouter toute compromission de la cause du Christ avec
celle des partis : depuis la Guerre, il s’est passé, dans la
France catholique, un événement d’une portée immense
et qui échappe aux observateurs du dehors. Les efforts des
catholiques sociaux, les initiatives d’un épiscopat d’élite,
ami des pauvres et constructeur d’églises, le dévoue
ment
d’un des meilleurs clergés qu’il y ait au monde ont
porté leur fruit. Il existe une renaissance catholique de
la classe ouvrière, il existe un syndicalisme catholique, il
existe une jeunesse ouvrière chrétienne
Des instituteurs et des institutrices de l’État trouvent
dans le Christ le principe de leur dévouement aux petits
que l’État leur confieLa Petite Flamme
, paru dans
rente
ou hostile ? Sans doute, mais une poignée de sel :
le sel de la terreVous êtes le sel de la terre
(
obscures se groupent pour faire du chrétien
, comme
me disait l’autre jour une assistantesainte
(
ne pouvons décrire ici cette vie souterraine de la Grâce
en France, telle que nous l’entrevoyons. Mais quand une
dame hitlérienne
déliquescents doivent céder la place aux peuples forts,
je repasse dans mon cœur les raisons de ma certitude
que nous restons, en dépit de l’apparence, le peuple le
plus fort, parce que nous sommes toujours, et plus que
jamais, le peuple de Dieu.
Que le ministre de Salamanque me comprenne : ce
n’est pas au moment où l’effort de tant de générations
chrétiennes et de dévouements obscurs aboutit enfin, que
sur l’humble plan où il nous est donné d’agir nous allons
laisser compromettre l’Évangile. Que l’affreuse loi de la
guerre vous ait entraînés à ces épurations dont Bernanos
nous a décrit l’horreur dans un livre impérissable
bombardements de villes ouvertes
de subir cette alliance monstrueuse avec le Racisme en
nemi
de l’Église, aussi redoutable, aussi virulent que le
Communisme, encore une fois nous n’avons pas à vous
juger ni à vous condamner sur ce point, parce que vos
intentions peuvent être droites. Mais nous nous sentons
responsables à l’égard de ce peuple fidèle que nous ne
sommes pas libres de tromper. Jacques Maritain, en se
dressant avec toute la puissance de sa dialectique et tout
le feu de sa charité, contre cette prétention des généraux
espagnols de mener une guerre sainte, a rendu à l’Église
catholique un service dont la fureur qu’il suscite nous
aide à mesurer la portée.
Nous ne nous croyons pas infaillibles, mais nous ne
cesserons pas d’affirmer ce qui nous semble être vrai,
à l’heure où la guerre civile touche peut-être à
sa fin ; car c’est lorsque tout paraîtra fini que le règne
sans partage de la Force commencera. Et la Force qui
se sert de l’Église, c’est le plus grand malheur qui puisse
fondre sur un peuple chrétien. C’est aussi le plus grand
crime, si la parole reste éternellement vraie que répétait
au déclin de sa vie le vieil apôtre (celui dont la tête
avait reposé sur la poitrine du Seigneurun de ses disciples, celui que Jésus aimait
dans le récit évangélique (Mes bien-
aimés,
Dieu est amour