L’Exemple de Jacques Maritain

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François Mauriac L’Exemple de Jacques Maritain Temps présent 1 1938-03-11 Paris Temps présent

Vendredi 11 mars 1938 Temps présent BILLET L’exemple de Jacques MaritainArticle non repris. par François MAURIAC.

La Vie intellectuelle du 25 février a publié la conférence de MaritainRappelons que l’épouse du philosophe Jacques Maritain (1882-1973) — Raïssa Oumançoff (1883-1960), qui s’est elle-même illustrée en tant qu’écrivain — fut élevée dans une famille juive en Russie avant d’arriver en France en 1893. Les deux époux se convertirent au catholicisme en 1906, deux ans après leur mariage. sur les Juifs parmi les nationsCette conférence a été prononcée dans le cadre des Conférences des Ambassadeurs auxquelles Mauriac a lui-même régulièrement participé (cf. son article A la base de notre effort). Mauriac en parlait déjà dans Pour Israël. Elle a été publiée en brochure aux Éditions du Cerf en 1938 puis dans Le Mystère d’Israël et autres essais, Desclée de Brouwer, 1965.. Tous les catholiques devraient méditer ce texte. Nous voyons ici l’admirable lumière que projette sur une question d’ordre historique et économique, non seulement une foi ardente et raisonnée, mais une vie intérieure par le Christ en personne alimentée, nourrie.

Notre ami n’a que faire de nos louanges et ce n’est pas pour lui que j’écris ces lignes, mais pour chacun de nous et pour moi-même. Il est essentiel que, dans toutes les questions qui divisent les hommes d’aujourd’hui, notre choix ne dépende pas seulement d’un mouvement du cœur. Maritain sans négliger aucun des arguments habiles dont usent les antisémites et les racistes passe à travers les murailles dont la haine s’efforce de nous entourer, et d’abord s’établit sur le plan surnaturel où saint Paul avait déjà posé le problème juifCf. le développement que saint Paul consacre à la situation d’Israël dans les chapitres 9-11 de son Épître aux Romains. : Israël nous apparaît comme un mystère, du même ordre que le mystère du monde et le mystère de l’Église… Il y a une relation supra-humaine d’Israël au monde comme de l’Église au monde… Aux yeux d’un chrétien qui se souvient que les promesses de Dieu sont sans repentance, Israël continue sa mission sacrée, mais dans la nuit du monde, préférée, en quelle inoubliable occasion, à celle de Dieu. Israël, comme l’Église, est dans le monde et n’est pas du monde ; mais depuis le jour où il a trébuché, parce que ses chefs ont opté pour le monde, il est rivé au monde, prisonnier et victime de ce monde qu’il aime, et dont il n’est pas, ne sera jamais, ne peut pas être…

Il faut que chacun de nous en prenne conscience : nous avons ici un exemple parfait de ce que nous sommes appelés à tenter et à réussir, en dépit de la mêlée confuse des partis ; la seule voie pour résoudre chaque problème dans le contingent, c’est d’abord de l’envisager sur le plan de l’éternité et dans la lumière de la Grâce. Maritain, que ses adversaires dénoncent comme un esprit chimérique, nous apporte ici la réponse qui sauverait pratiquement le monde, si le monde à son exemple écoutait, méditait, vivait les paroles de la vie éternelle.