Les Échecs des saints : Ils sont voulus par Dieu

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François Mauriac Les Échecs des saints : Ils sont voulus par Dieu La Revue des lectures 478 1938-04-15 Paris La Revue des lectures

Vendredi 15 avril 1938 La Revue des lectures Les échecs des saints Ils sont voulus par DieuComme l’indique la référence entre parenthèses à la fin du texte, cet article est composé d’extraits de celui que Mauriac a publié dans Le Figaro du 4 octobre 1937 : A l’ami de Rimbaud. On se reportera à l’article original pour les notes ; on ne signalera ici que les coupures par rapport à l’original. L’article du Figaro commence par évoquer Mgr Jarosseau et ses rapports avec Rimbaud ; ces trois premiers paragraphes ne sont pas repris dans La Revue des lectures pour qui Rimbaud eut avant tout le génie de la révolte et de la destruction ; voir le compte rendu anonyme du livre d’Étiemble et de Yassu Gauclère, Rimbaud, Gallimard, 1936, in La Revue des lectures, 15 janvier 1936, p. 728).

Si Dieu nous donnait des maîtres de sa main, s’écrie Pascal, oh ! qu’il leur faudrait obéir de bon cœur ! La nécessité et les événements en sont infailliblement. Il est vrai…Coupure d’un extrait où il est question de la souffrance de Mgr Jarosseau devant l’écrasement du peuple éthiopien.

Lorsque le chrétien, au milieu du chemin de sa vie, songe à tous les bons prêtres qu’il a connus, il en vient à se demander si l’échec apparent d’une destinée sacerdotale n’est pas la mesure même de sa sainteté. Le disciple n’a jamais fini de se conformer à son maître.

Ce cri que l’habitude a dépouillé pour nous de son tragique : Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? il n’existe pas de saint qui ne l’ait jeté dans les ténèbres de la troisième heure. François d’AssiseCoupure d’une courte parenthèse où est nommé Mgr Jarosseau. est mort sur la terre nue, convaincu que cette pauvreté, qu’il avait si amoureusement épousée, était répudiée par ses fils et par l’Église.

Tel est un des aspects les plus déroutants de cette nécessité dont parle Pascal et qui est le maître que Dieu nous donne de sa main : après dix-neuf siècles, il n’est plus aussi simple qu’à l’aube du christianisme de rendre à César ce qui est à César ; les comptes de l’éternité et ceux du temps sont terriblement confondus. Ce n’est pas à nous, fidèles, qu’il appartient de les démêler. La grâce seule possède le secret de ces partagesCoupure de la fin du paragraphe où Mauriac offre une critique voilée de l’attitude du pape face à la politique italienne en Éthiopie.

Les saints sont associés à un interminable échec, à une agonie qui durera autant que le monde. Si nous nous en persuadions enfin, nous cesserions, sinon d’en souffrir, du moins d’en être scandalisés. (François MAURIAC, de l’Académie française, Le Figaro, 4 octobre 1937).