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Il existe entre l’auteur et le pu
blic
des malentendus auxquels il
finit par se résigner, parce que le
temps lui a appris qu’ils sont inar
rangeables
mes livres m’ont toujours parlé de
mes monstres
: je suis un spé
cialiste
en personnages mons
trueux.
Or il n’est presque aucun
de mes romans qui ne soit fait
pour prouver qu’il n’existe pas de
monstres et que celui dont je ra
conte
l’histoire n’en est pas unSeigneur, ayez pitié, ayez pitié des fous et des folles ! O Créateur ! peut-il exister des monstres aux yeux de Celui-là seul qui sait pourquoi ils existent, comment ils
(
Il n’empêche, me direz-vous,
que Thérèse DesqueyrouxThérèse chez le docteur
, publiée dans Thérèse à l’hôtel
, publiée dans
aurait fait horreur si vous l’aviez
rencontrée dans la vie… Peut-
être ;
mais c’est parce que je ne
l’aurais pas connue du dedans :
nous regardons les personnages in
ventés
comme Dieu nous regarde,
nous les voyons comme il nous
voit. Le fond du fond de leur
cœur nous est livré, et c’est pour
quoi
nous les aimons et nous leur
pardonnons comme Dieu nous
aime et nous pardonneM. François Mauriac et la liberté
,
Autre malentendu : je passe
pour un auteur pessimiste. A l’épo
collections, on me chargeait tou
jours
de la maladie, de la mort…
Or le pessimisme authentique
consiste à croire que la vie n’a ni
direction, ni but, qu’elle n’a pas
de sens : ce qui est le fait d’un
grand nombre d’auteurs réputés
gais. Une œuvre qui sous-entend la
rémission des péchés, la résurrec
tion
des corps et la vie éternelle
me paraît être une des très rares
œuvres joyeuses de notre temps.
Enfin on croit dans certains mi
lieux
que j’use d’épices pour atti
rer
le lecteur. Or j’aurai passé ma
vie à effacer, à raturer, par peur
du scandale ; à éviter certaines
descriptions et, ce qui est plus gra
ve,
à tourner court devant cer
tains
aboutissements de mes ré
cits.
Des sacrifices que j’ai faits
dans cet ordre, je ne me vante pas
ni ne demande qu’on me tienne
compte. Sans doute même de bon
nes
âmes en concluront qu’il faut
que je sois bien pervers pour que
même revu et corrigé, je reste
encore si scandaleuxQuand Mauriac était scandaleux…
,
laisse le dernier mot.