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mariages, deuils…
parcourt ces noms inconnus ; et
tout à coup, il en est un que je
reconnais dans la liste funèbre.
Oui, c’est elle, c’est bien elle
Depuis longtemps elle ne m’avait
pas écrit… Avais-je seulement
répondu à sa dernière lettre ?
Qu’importe… Elle me voit au
jourd’hui.
Je l’avais rencontrée, il y a dix
ou douze ans à une décade de
Pontignydécades
rassemblaient chaque année des écrivains connus ou non autour d’un thème comme le droit des peuples
, la pensée française
ou la place de la religion dans la vie d’aujourd’hui
. André Gide, Roger Martin du Gard, Ramon Fernandez, André Maurois, entre autres, y participèrent avec François Mauriac.
au déclin de l’âge, on ne s’en
apercevait pas d’abord tant elle
rayonnait de grâce et de charme.
Protestante, mais attirée par le
catholicisme et déjà au bord de la
conversion, elle hésitait encore.
J’entre, un soir, dans la vaste
église de Pontigny, et je l’aperçois
à genoux devant le maître-autel,
où le Saint-Sacrement
Sans intention particulière, et
simplement pour l’en avertir, je
lui touchai l’épaule et lui mon
trai,
dans le bas-côté, un autel où
brûlait la petite lampe : Là…
lui dis-je. Et à l’instant même,
elle crut.
La mort, il me semble, permet
de ces indiscrétions, et cette
grande âme me pardonne, j’en
suis assuré, d’avoir fait connaître,
à propos d’elle, un de ces coups
de la grâce dont il nous arrive à
tous d’être témoins (car je ne fus
qu’un témoin, et aucune conver
sation
particulière n’avait précédé
cette brusque illumination).
Pourtant, elle eut la charité de
sa vie spirituelle. Et je recevais
parfois, du Havre où elle vivait
une lettre vive, légère, mais toute
pénétrée du plus pur amour de
Dieu.
Il y a une joie de l’âme qui ne
trompe pas. Cette femme vieillie,
usée, qui souffrait dans son corps
et qui sentait le poids de toute
une vie, débordait, d’un jeune
bonheur qu’elle aurait voulu par
tager
avec moi. Elle choisissait à
mon intention, dans ses lectures
pieuses, ce qu’elle pensait conve
nir
à cet écrivain trop amer. C’est
elle qui me cita, un jour, cette
parole adorable que le Christ
adressa à Saint-François-de-Salesdocteur de l’amour
.
au temps de ses angoisses : Je ne
m’appelle pas celui-qui-damne,
mon nom est Jésusglorificatio nominis mei qui non est damnator, sed Jesus
— dans le premier tome de son
Une longue vie dévote ne va
guère chez une femme sans de lé
gères
déformations que Dieu ne
voit pas, mais qui, si nous sommes
méchants, nous irritent. En revan
che,
rien n’altère, rien ne trouble
dans une convertie de la race de
celle qui vient de s’endormir, cette
lumière dont l’amour la baigne.
Elle avait gardé du monde les grâ
ces
de l’éducation, ces manières
charmantes qui, chez une chrétien
ne,
sont une forme de la charité.
Elle avait de la Miséricorde, une
connaissance, une certitude joyeu
se.
Il me semble que je m’aperce
vrai
à peine de sa mort. C’était
, dit-on. C’est une âme
une âme
encore, toujours et à jamais. Elle
est là.