Publication Information
Facsimile available online from BnF Gallica
Les Échecs des saints : ils sont voulus par Dieudans
NOUS avons appris, par une dé
pêche
de la Cité du VaticanCertaine correspondance vaticane a fait grand état du départ d’Éthiopie de Mgr Jarosseau (
(Alverne, Le Sort de Mgr Jarosseau
,
la démission de Mgr Jaros
seauami
de Rimbaud ; le même mot est employé par Henri Matarasso et Pierre Petitfils dans leur
Éthiopie dont il fut l’apôtre ; nous
ne croyons offenser personne en sa
luant
très bas le vieil évêque
Je ne l’ai jamais rencontré, et
pourtant je le vois sur le pont du
bateau qui s’éloigne ; j’imagine son
dernier regard à cette terre pleine
de morts. C’est qu’entre un écrivain
français et ce prêtre de quatre-
vingts
ans, un intercesseur existe :
l’aventurier qui, malgré la traver
sée
de l’enfer, gardait encore dans
sa figure boucanée les yeux bleus
de l’enfance et qui venait parfois,
la nuit, s’asseoir dans la case du
Père. Si Arthur Rimbaud s’est en
dormi
dans le Seigneur à l’hôpital
de la Conception
être
le dut-il au pauvre prêtre du
Harrar dont la piste avait croisé la
sienne en ce pays de la soifDésir
, un des poèmes de son troisième recueil Le pays de la soif est au dedans de nous
(Fils du Ciel
, évoque le destin de Rimbaud.
Qu’il nous soit permis de suivre
la trace de Rimbaud et en esprit, de
nous asseoir, nous aussi, aux pieds
du missionnaire. Qu’il nous soit per
mis
d’appuyer notre front à ce vieux
chêne consacré, visité par la fou
dre.
Qu’il sache que des Français
sont unis à lui, tous ces jours-ci.
Si Dieu nous donnait des maî
Il
tres
de sa main, s’écrie Pascal, oh !
qu’il leur faudrait obéir de bon
cœur ! La nécessité et les événe
ments
en sont infailliblement
est vrai… Mais l’événement qui, à
l’extrême soir d’une vie immolée,
anéantit le fruit d’un demi-siècle
d’efforts et de souffrances, un saint
lui-même ne l’envisage pas sans fré
mir.
Il faut bien en comprendre l’hor
reur :
déjà l’apôtre chargé d’ans et
portant sa gerbe, voyait s’ouvrir les
portes éternelles ; déjà le vieillard
triomphant, mais à bout de souf
fle,
entonnait le
ses faibles bras que le cadavre écra
sant
de son peuple.
Lorsque le chrétien, au milieu
du chemin de sa vieAu milieu du chemin de notre vie, […]
.
les bons prêtres qu’il a connus, il
en vient à se demander si l’échec
apparent d’une destinée sacerdo
tale
n’est pas la mesure même de sa
saintetédéfaite
(
de se conformer à son maître. Ce cri
que l’habitude a dépouillé pour
nous de son tragique : Mon Dieu,
pourquoi m’avez-vous abandon
il n’existe pas de saint qui
né
ne l’ait jeté dans les ténèbres de la
troisième heure. François d’Assise
— (dont je crois que Mgr Jarosseau
porte la bure) — est mort sur la
terre nue, convaincu que cette pau
vreté,
qu’il avait si amoureusement
épousée, était répudiée par ses
fils et par l’Église.
Tel est un des aspects les plus
déroutants de cette nécessité dont
parle Pascal et qui est le maître
que Dieu nous donne de sa main :
après dix-neuf siècles, il n’est plus
aussi simple qu’à l’aube du christia
nisme
de rendre à César ce qui est
à CésarRendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu
(
et ceux du temps sont terriblement
confondus. Ce n’est pas à nous, fidè
les,
qu’il appartient de les démêler.
La Grâce seule possède le secret de
ces partages : à la rose d’or que
Pierre dépose sur les genoux de la
Reine d’Italie, impératrice d’Éthio
pie
tresser la couronne
pucin
français qui s’en revient mou
rir
chez nous.
Les saints sont associés à un inter
minable
échec
rera
autant que le mondeJésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde
), que Mauriac reprend souvent, notamment en période pascale.
nous en persuadions enfin, nous
cesserions sinon d’en souffrir, du
moins d’en être scandalisés.