Œuvre journalistique de François Mauriac 1937-1938

Une enquête des Annales : Quel livre écrivez-vous ?

Vendredi 10 décembre 1937
Les Annales

Page 601

Une Enquête des Annales Quel Livre écrivez-vous[1][1] Article non repris. ?

Réponses de François Mauriac, Georges Duhamel[2][2] Georges Duhamel (1884–1966), médecin et écrivain français, auteur, entre autres, de Vie et aventures de Salavin (Mercure de France, 1920–32) et de la Chronique des Pasquier (Mercure de France, 1933–45). Il fut élu à l’Académie française en 1935., Roland Dorgelès[3][3] Roland Dorgelès (1885–1973), de son vrai nom Roland Lecavelé, remporta le prix Femina en 1919 pour son roman Les Croix de bois (Albin Michel, 1919) et devint membre de l’Académie Goncourt en 1929, la présidant de 1954 jusqu’à sa mort., André Maurois[4][4] André Maurois (1885–1967), de son vrai nom Émile Salomon Wilhelm Herzog, commença sa carrière de romancier en 1918 avec la publication des Silences du colonel Bramble chez Grasset. Grâce aussi à son succès en tant que biographe, il fut élu à l’Académie française en juin 1938, événement salué un mois plus tard par Mauriac dans un long article paru dans La Revue de Paris [hyperlien]., Jacques Chardonne[5][5] Jacques Chardonne (1884–1968), de son vrai nom Jacques Boutelleau, avait reçu le Grand Prix du roman de l’Académie française en 1932 pour Claire (Grasset, 1931). En 1937, il venait de terminer une trilogie romanesque intitulée Les Destinées sentimentales (Grasset, 1934–36). et Jacques Natanson[6][6] Jacques Natanson (1901–75) commença à publier des pièces de théâtre au début des années 1920, mais à partir des années 30 il développa une deuxième carrière cinématographique comme scénariste, dialoguiste et réalisateur. Citons, à titre d’exemple, sa collaboration au film de Georg Wilhelm Pabst, Salonique, nid d’espions (1937).

Au seuil de l’année nouvelle, nous avons pensé que nos lecteurs aimeraient savoir ce que 1938 peut attendre du talent de nos plus grands romanciers.

Notre collaborateur Maurice Romain a donc été demander à quelques-uns d’entre eux quels étaient leurs projets les plus immédiats, quelles œuvres ils avaient sur le chantier, et les a priés de lui parler de celles-ci à l’intention des lecteurs des Annales. Nous commençons aujourd’hui de publier leurs réponses.

FRANÇOIS MAURIAC de l’Académie française

[7][7] Photo de la tête de Mauriac (prise par Paz) à droite des 14 premières lignes.

M. FRANÇOIS Mauriac est un homme fort occupé ; en dépit de son désir, assurément sincère, de répondre favorablement à notre requête, il n’a pu m’accorder que quelques très brèves minutes.

Il s’en est excusé à l’avance en venant à moi dans le salon orné de très belles toiles modernes où je l’avais attendu, en haut d’un immeuble d’Auteuil[8][8] 38, avenue Théophile Gautier, dans le 16e arrondissement de Paris. où deux appartements, reliés par un escalier intérieur, forment une sorte de petit hôtel.

« En ce moment, me dit tout de suite l’auteur de Genitrix[9][9] Roman de Mauriac paru chez Grasset en 1923., j’appartiens tout entier, pris à part mes devoirs d’académicien, aux représentations d’Asmodée[10][10] Cette pièce, qui marqua la grande entrée de Mauriac au théâtre, connut un grand succès lors de sa première à la Comédie-Française le 22 novembre 1937.. »

« Nous parlerez-vous d’Asmodée ? »

« On ne m’en a déjà fait que trop parler[11][11] Voir en particulier l’entretien avec André Warnod, « François Mauriac nous parle d’Asmodée » , Le Figaro, 16 novembre 1937, p. 5., et j’ai dû trop souvent déjà communiquer mes impressions de débutant dramaturge. »

« Puis-je promettre de vous de nouveaux romans ? »

« Certainement ! Je n’entends pas sacrifier le roman au théâtre. J’ai bien l’intention d’en faire paraître un l’année prochaine[12][12] Allusion au roman Les Chemins de la mer, paru en volume chez Grasset en 1939, mais dont la prépublication commença sous le titre « Mamôna : grand roman inédit » dans Candide dès le 14 avril 1938.… »

« Qui s’appellera ?… »

« Dites que je n’en connais pas encore le titre ; je n’aime pas annoncer un titre qui peut risquer d’être changé par la suite[13][13] Malgré cette prudence, ce roman avait pour titre initial Mamôna quand il parut dans les pages de Candide (du 14 avril au 7 juillet 1938), avant de devenir Les Chemins de la mer dès sa publication en volume en janvier 1939. Comme le suggère Jacques Petit (ORTC, III, 1198), ce changement de titre semble indiquer que Mauriac n’avait pas encore terminé la rédaction du roman quand Candide en commença la publication.. »

« Eh en dehors de cela, monsieur l’académicien, nourrissez-vous d’autres projets ? »

« Aucun projet important. J’ai, toutefois, promis à Grasset un commentaire pour un album qu’il a bien voulu me consacrer ; il s’agit d’une collection nouvelle destinée à présenter les sites les plus évocateurs de l’œuvre d’un écrivain, dans telle région de la France qui a le plus souvent servi de décor à ses livres[14][14] Ce livre a-t-il jamais vu le jour ? Il ne figure pas dans le livre de Keith Goesch, François Mauriac : essai de bibliographie chronologique, 1908–1960, Nizet, 1965.. II n’a paru jusqu’ici, dans cette collection, qu’un seul ouvrage dont Jean Giono a fourni l’objet, sous le titre de Les Vraies Richesses[15][15] Jean Giono, Les Vraies Richesses, Grasset, 1936, illustrées de 112 photographies par Kardas.. Cet album, qui comporte un texte de l’écrivain, réunit les photographies des lieux les plus caractéristiques du pays cévenol, où l’auteur de Regain[16][16] Jean Giono (1895–1970) reçut le prix Northcliffe pour son roman Regain (Grasset, 1930). a placé l’action de ses romans. De même, des photographies soigneusement choisies du Bordelais et des Landes illustreront les pages où je rappellerai ceux de mes livres auxquels j’ai donné pour cadre cette région qui m’est, on le sait, tendrement familière. »


Page 602

[…][17][17] Suivent les réponses de Georges Duhamel (p. 602), de Roland Dorgelès (p. 602–03), d’André Maurois (p. 603–04), de Jacques Chardonne (p. 604–05), et de Jacques Natanson (p. 605–06).


Page 606

[…]

(A suivre.)
Maurice Romain.


Date:
© les héritiers de François Mauriac (pour le texte des articles) et les auteurs (pour les notes)