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radio éloignait maintes personnes des
exercices, ou, mieux, des travaux de la lec
ture
en absorbant d’abord une part de leurs
loisirs et en leur faisant, ensuite, petit à
petit, perdre l’habitude et même le sens d’un
travail cérébral actif.
C’est en ces termes que M. Georges Du
hamel
s’exprimait, mardi dernier, à la séan
ce
publique annuelle des cinq Académies.
Y a-t-il donc incompatibilité entre la ra
dio
et la littérature ?
Nous l’avons demandé à quelques-uns de
nos meilleurs écrivains, et s’ils pensaient
qu’un auditeur promettait un lecteur nou
veau
ou représentait un lecteur perdu.
Voici les premières réponses qui nous ont
été faites.
[…]
M. François Mauriac est catégorique :
Je n’ai aucun rapport d’ordre litté
raire
avec la radio. Dès que j’entends la
voix d’un monsieur, je coupe…
S’il n’a pas entendu la voix de M. Geor
ges
Duhamel, M. François Mauriac a, du
moins, attentivement lu son discours et il
en partage la rigueur :
Oh ! je ne nie pas l’utilité pratique,
leur isolement les malades ou les vieil
lards…
Mais, quant à moi, les seuls rap
ports
que j’entretiens avec elle sont sur le
plan musical. Rapports étroits et orageux,
d’ailleurs. A la campagne, où, le soir, on a
la chance de pouvoir atteindre les postes
étrangers, je traverse en trombe les chan
sons
françaises, assuré de trouver
ailleurs
Mozart, ou quelqu’un de ces opéras de Ver
di
ou de Donizetti, que j’aime beaucoup.
Car notre grande misère, à nous Fran
çais,
c’est un nationalisme musical imbécile
qui nous condamne à consacrer les rares
émissions de bonne musique à la seule mu
sique
française. Il fut un temps où j’aimais
défunte
jusqu’en Angleterre, jusqu’en Allemagne,
jusqu’à Oslo.
Au surplus, M. François Mauriac, qui
note au passage son goût pour Gounod et
pour Bizet, refuse à la musique moderne
tu
éducative, vertu
qui doit être, selon
lui, la vertu même
de la radio :
On ne conver
tit
pas quelqu’un à
la musique avec
cette musique-là.
Puis un remords
le prend :
Sauf, peut-être
avec
ne convertit non plus
personne à la lec
ture
par la radio.
D’ailleurs, pour
ce qui touche les
rapports de la littérature et de la radio… je
ne les vois pas… La radio nous dispense
d’aller à des conférences… Mais qui va pour
son plaisir entendre des conférences ? Et
qui peut supporter d’entendre chez soi la
voix intolérable d’un conférencier ?
Ceux qui aiment les lettres et qui ai
ment
la lecture sont d’une autre race que
ceux à qui la radio suffit.
Constatons cependant que M. François
Mauriac ne voit pas dans la radio un ad
versaire
bien redoutable pour la littérature.
Il la croit inoffensive :
Si elle ne convertit personne à la lec
ture,
elle n’en détourne personne non plus.
Et c’est l’auteur d’
Tout au plus pourra-t-elle détourner
quelques spectateurs du théâtre.
[…]