Œuvre journalistique de François Mauriac 1937-1938

Pour l’union nationale des écrivains français donnent l’exemple

Dimanche 20 mars 1938
Le Figaro

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POUR L’UNION NATIONALE
DES ÉCRIVAINS FRANÇAIS
DONNENT L’EXEMPLE

Nous recevons le communiqué
suivant :

Devant la menace qui pèse sur
notre pays et sur l’avenir de la cul-
ture française, les écrivains soussi-
gnés, regrettant que l’union [Note: « l’uion » dans l'original.] des
Français ne soit pas un fait accom-
pli[2][2] La difficulté d’arriver à une véritable union nationale se manifeste à travers deux autres articles parus à la même page de ce numéro du Figaro. Le premier constitue un compte rendu du congrès national extraordinaire du Parti social français. Dans son discours, le colonel de La Rocque (chef du PSF) a « expliqué pourquoi il ne croyait pas souhaitable d’adhérer au « Front de la Liberté » » , en précisant que « L’union sincère ne se fera point par fusion entre éléments de nature différente ou suivant le cadre de formations étroites, mais dans le respect absolu de l’individualité de chacun et avec cette considération, cette bienveillance, tout au moins cette bonne foi réciproques rendant possible, aux jours de la nécessité nationale, les coordinations indispensables. » Suit le texte d’une lettre dans laquelle Jacques Doriot (chef du Parti populaire français, groupement fasciste créé par Doriot en juin 1936) s’adresse au colonel de La Rocque, ainsi « qu’aux autres partis nationaux » , pour leur donner « à tous l’assurance qu’il [le PPF] est prêt à répondre à toutes les tentatives d’union. » Voir les articles anonymes intitulés « Salle Wagram : le colonel de La Rocque fait appel à la réconciliation » et « Une lettre de M. Jacques Doriot » , Le Figaro, 20 mars 1938, p. 3., décident de faire taire tout es-
prit de querelle et d’offrir à la na-
tion l’exemple de leur fraternité.

Aragon[3][3] Louis Aragon (1897-1982), ancien surréaliste et membre du Parti communiste français depuis 1927. En janvier 1937, il devint membre du comité directeur de Commune, une revue éditée par l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires. En mars 1937, il devint également co-directeur (avec Jean-Richard Bloch) de Ce soir, un nouveau quotidien du soir lancé par le PCF., Georges Bernanos[4][4] Georges Bernanos (1888-1948), écrivain catholique qui, comme Mauriac, évolua d’une position pro-franquiste à une position pro-républicaine lors de la guerre d’Espagne, comme en témoigne son grand pamphlet Les Grands Cimetières sous la lune qui paraîtrait chez Plon deux mois après la signature de ce communiqué., An-
dré Chamson[5][5] André Chamson (1900-1983), écrivain et archiviste d’ascendance protestante. En novembre 1935 il fonda, avec Jean Guéhenno et André Viollis, Vendredi, un hebdomadaire de gauche. Son livre Retour d’Espagne : rien qu’un témoignage parut chez Grasset en septembre 1937. Il fut élu à l’Académie française en 1956., Colette[6][6] Sidonie Gabrielle Colette (1873-1954), auteur d’une cinquantaine de romans. En 1935 elle fut élue à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique et, en 1945, elle devint la première femme à être élue à l’Académie Goncourt, institution qu’elle présida de 1949 à 1954., Lucien Des-
caves[7][7] En 1900, l’homme de lettres Lucien Descaves (1861-1949) fut un des premiers membres de la Société littéraire des Goncourt (mieux connue sous le nom d’Académie Goncourt). Il présida cette dernière entre 1945 et 1949., de l’Académie Goncourt ;
Louis Gillet[8][8] Louis Gillet (1876-1943), historien d’art et de littérature, élu à l’Académie française en novembre 1935., de l’Académie fran-
çaise ; Jean Guéhenno[9][9] Marcel-Jules-Marie Guéhenno, dit Jean Guéhenno (1890-1978), un des premiers collaborateurs de Romain Rolland sur la revue Europe, créée en 1923 et dirigée par Guéhenno de 1929 à mars 1936. En novembre 1935, il devint un des co-fondateurs (avec André Chamson et André Viollis) de l’hebdomadaire Vendredi. Il fut élu à l’Académie française en 1962., André Mal-
raux[10][10] André Malraux (1901-1976) participa à la guerre d’Espagne entre août 1936 et février 1937 du côté républicain à la tête de l’ « Escadrille España » . Ces expériences lui fournirent la matière première de son roman L’Espoir, paru chez Gallimard en décembre 1937. Il avait déjà obtenu le Prix Goncourt pour La Condition humaine en 1933., Jacques Maritain[11][11] Après avoir été proche de l’Action française dans les années 20, le philosophe catholique Jacques Maritain (1882-1973) devint une des grandes figures de la démocratie chrétienne, grâce surtout à son livre Humanisme intégral : problèmes temporels et spirituels d’une nouvelle chrétienté (Aubier, 1936)., François
Mauriac, de l’Académie française ;
Henri de Montherlant[12][12] Henry Marie Joseph Frédéric Expedite Millon de Montherlant (1895-1972), écrivain devenu mondialement célèbre grâce à la publication des trois premiers tomes de sa série romanesque Les Jeunes Filles (Grasset, 1936-39). Son livre d’essais, L’Équinoxe de septembre (Grasset, 1938), constitua une critique virulente des accords de Munich. Montherlant fut élu à l’Académie française en 1960., Jules Ro-
mains[13][13] On doit à Jules Romains, de son vrai nom Louis Henri Jean Farigoule (1885-1972), le concept d’unanimisme, philosophie qui anime son grand cycle romanesque Les Hommes de bonne volonté (Flammarion, 1932-46). Romains fut élu à l’Académie française en 1946., Jean Schlumberger[14][14] Jean Schlumberger (1877-1968) fut un des fondateurs de La Nouvelle Revue française, dont il assura la direction (avec Jacques Copeau, André Ruyters) de 1909 à 1912. Il reçut le Grand prix de littérature de l’Académie en 1942..



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